Matthieu Harlé : "J'ai regagné mon indépendance vis-à-vis de la Chine en fabriquant mes propres masques"
Par Lise Verbeke, le 31 mars 2021 - Le Journal des Entreprises
Wip'N Pro, spécialisée dans le non-tissé d'essuyage et de sa transformation, à Saint-Martin Boulogne (62), fabrique et commercialise depuis janvier des masques chirurgicaux jetables. Un complément d'activité et une prise d'indépendance, en prévision d'autres crises sanitaires.
Pourquoi avoir décidé d’investir dans la fabrication de masques jetables ?
Matthieu Harlé : Quand la crise sanitaire a démarré il y a un an, c’était la cacophonie. Nous avons environ 4 000 clients chez Socoldis, qui distribue des produits et matériels de nettoyage (filiale du groupe Hedis, NDLR), dont fait partie Wip’N Pro. Ces clients nous ont tous appelés en même temps pour nous demander des masques. La pression était très forte. J’ai dû passer commande en catastrophe en Chine, pour un million d’euros, un gros risque, donc pour une PME qui a réalisé 850 000 € de chiffre d’affaires en 2019. Et cela a été la croix et la bannière pour les avoir, car ils ont été bloqués à la douane. Pendant plusieurs semaines, je ne savais pas si nous allions en voir la couleur. Alors qu’ils avaient été commandés fin mars, je les ai finalement reçus en mai. Plus jamais je ne voudrais revivre cela ! J’ai décidé d’investir dans deux machines, donc deux lignes de production, pour quelques centaines de milliers d’euros. Nous avons commencé la fabrication en novembre, mais les masques n’ont pu être commercialisés qu’à partir de la mi-janvier. Car il a fallu obtenir les autorisations nécessaires pour qu’ils soient aux normes. Cela a pris deux bons mois.
Envisagez-vous d’en faire l’activité principale de Wip’N Pro ?
Matthieu Harlé : Non, nous voulons continuer dans notre métier de base, l’essuyage technique, les lingettes imprégnées, et les équipements de protection jetables. Pour les masques, l’idée c’est vraiment d’être indépendant vis-à-vis de la Chine. S’il y a une grosse demande, je sais gérer seul. Cette crise est un cas d’école, il faut réintroduire la production en France, mais pour cela, il faudrait que les pouvoirs publics soutiennent davantage les entreprises. Je ne suis pas les seuls à avoir investi dans des machines pour fabriquer des masques. Une bonne centaine s’est vendue en France. En ce qui me concerne, j’ai fait le choix de "petites" machines, qui sont tout de même capables de sortir une boîte de 50 à la minute. Avec cette production, ainsi que l’achat de masques chinois, et les ventes de lingettes, notre chiffre d’affaires a atteint 4 millions d’euros l’année dernière. Cette année, nous prévoyons 2,5 millions d’euros. Nous sommes passés de trois à cinq salariés.
Vos masques sont environ 1,5 fois plus chers que les masques chinois, quels sont vos arguments pour les vendre ?
Matthieu Harlé : En vendant des produits chinois, ma marge serait plus importante. Alors il faut trouver les bons leviers. Nos masques sont de meilleure qualité, ils n’ont pas l’odeur que peuvent avoir d’autres produits. Le confort aussi est important, ils ne font pas de buée sur les lunettes, les élastiques ne coupent pas les oreilles. Le logo " Fabrication Française " est aussi bien visible sur la boîte, cela peut être un argument de vente, même si on le sait, pour beaucoup de familles, le prix reste le critère le plus important.